«Je suis gourmand donc il m'est impensable d'imaginer priver mes clients. Il faut que ce soit la fête à table. On va au restaurant pour se faire plaisir.» Décidément, Antoine Westermann est fidèle à ses valeurs. En ouvrant, en mars, sa première adresse à New York, Le Coq Rico, le chef français a prouvé aux États-Unis qu'on pouvait décliner les bêtes à plumes dans des recettes aussi généreuses que délicieuses: œufs en meurette, salade de foies de volaille, brune landaise (110 jours d'élevage) rôtie, cuisse de canard Rohan.. «Pas facile dans un pays où la volaille ne fait pas vraiment partie de la tradition culinaire, dit-il. Mais j'ai trouvé des producteurs fabuleux capables d'élever une Rousse du Vaucluse ou une Poulette de Challans d'une qualité exceptionnelle.» Avant de franchir l'Atlantique, cela dit, Antoine Westermann s'est forgé une solide réputation en France.
En 1969, il a 23 ans lorsqu'il achète Le Buerehiesel, sublime maison traditionnelle plantée dans le parc de l'Orangerie, à Strasbourg. Progressivement, il y gravira les échelons du Michelin: une étoile (1975), puis deux (1983), puis trois (1994)… Pour finalement rendre ses macarons et céder l'affaire (2007) à son fils, Eric - l'adresse est aujourd'hui honorée d'une étoile. Entre-temps, il a ouvert (2003) Mon Vieil Ami, en plein Paris, dans la très touristique et pas toujours gastronomique Île Saint-Louis: «Je cherchais un restaurant pour en faire un bistrot-table d'hôtes convivial avec une cuisine familiale qui me rappelle celle de ma mère. Elle mettait le légume au centre de tous ses plats. Et loin d'en être dégouté, j'en suis devenu complètement fan!», raconte le cuisinier. Alors que la cuisine «verte» n'a alors pas vraiment le vent en poupe, et le végétarisme pas droit de cité dans les assiettes, il fait œuvre de pionnier. Le légume est en vedette. Les «protéines» passent au second plan, jusque dans les intitulés des plats: en ce moment, on savoure ainsi des «fèves & girolles poêlées, suprême de volaille de Challans rôtie».
Les volailles des meilleurs pédigrées
En 2006, Antoine Westermann s'empare d'un mythe parisien, Drouant, le repaire du prix Goncourt, où il reprend les classiques avec délices: pâté en croûte, bouchée à la reine, tête de veau sauce gribiche, filet de bœuf au poivre, choucroute, baba au rhum…
Il inaugure son premier Coq Rico en 2012, adresse-matrice de la table new-yorkaise. Son pari? Cuisiner uniquement les volailles des meilleurs pédigrées, races pures (pas de croisement) telles les gélines de Touraine, les Coucou de Rennes, les Bresse, les Challans. Idem pour les pintades, les canards, les oies, les pigeons, les faisans, les palombes… Le resto-rôtisserie est rejoint l'année suivante par La Dégustation. «Un lieu convivial d'échange», dixit la toque, épicerie et bar à champagne où l'on casse la croûte en semaine (planchette avec rillette de Barèges, jambon blanc AOC de Paris et fromage du moment…) et on brunche le week-end. Dans sa nouvelle antenne américaine, il reprend son bâton de pèlerin et promet des poulets de haute volée: «Les Américains, je l'espère, vont pouvoir se faire une nouvelle idée de la volaille!»